Récolte des fruits du palmier à huile, à Langkat en Indonésie, le 31 octobre 2012.

REUTERS/Roni Bintang

Largement utilisée dans l’industrie agroalimentaire, l’huile de palme est pourtant soupçonnée de boucher nos artères en même temps qu’elle bouleverse l’environnement des pays producteurs. En France, un amendement prévoit d’augmenter de 300% la taxe sur cette matière grasse.

On l’a appelée la « taxe Nutella » du nom de cette célèbre pâte à tartiner, fleuron de la marque italienne Ferrero. Le fameux Nutella composé de chocolat, de noisettes et… de 20% d’huile de palme se verrait donc taxé plus lourdement si les députés décidaient de voter l’amendement contenu dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Les sénateurs l’avaient d’ailleurs voté le 14 novembre, un vote finalement annulé par le rejet du projet de loi. Plusieurs produits sont ainsi concernés par une augmentation de la taxation comme la bière, l’aspartame ou les boissons énergisantes. C'est l'Assemblée nationale qui aura le dernier mot. 

Demi-vérités
 
L’idée de cet amendement, présenté par le sénateur Yves Daudigny, qui multiplierait par quatre les taxes sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah, se justifie selon lui au vu des dégâts occasionnés par ce composant à la fois sur la santé et sur l’environnement. « Nous voulons ainsi envoyer un signal aux industriels afin qu’ils réduisent le recours à ces produits que nous considérons comme nocifs », explique le rapporteur de la commission des Affaires sociales du Sénat.
 
Ledit signal n’a en tout cas pas été bien reçu par la Société Ferrero qui, sentant le vent tourner, s’est empressée de réagir en publiant une double page dans deux quotidiens français, Le Figaro et Aujourd’hui en France, le vendredi 16 novembre. Intitulé L’huile de palme, parlons-en, plaide en faveur du Nutella soutenant que « l’huile de palme n’est pas dangereuse pour la santé » et réfutant toute atteinte à l’environnement grâce à la mise en place « des systèmes de traçabilité certifiés » et à son soutien à l’objectif « Zéro déforestation ». L’industriel s’est même fendu d’un nouveau site, créé spécialement pour l’occasion.
 
On comprend que Ferrero n’ait pas l’intention de se laisser faire quand on sait que la France est le premier marché pour le Nutella avec 100 millions de pots vendus chaque année. Autre argument brandi par Ferrero, celui du Made in France ; le Nutella est en effet fabriqué dans l’Hexagone, en Normandie, et cela depuis un demi-siècle. Si la taxe venait à être votée, le prix de chaque pot serait augmenté de six centimes, une éventualité particulièrement mal venue en temps de crise, selon l’industriel qui estime que la France se tirerait une balle dans le pied.  
 
Pourtant, comme le répètent les nutritionnistes il n’y a pas de bons ou de mauvais aliments. Tout est une question d’équilibre et de diversité. Il est vrai que Ferrero nous a bien un peu menés en bateau en proclamant que le Nutella « c’est plein de noisettes et de bon lait » et en passant sous silence que 70% de la bonne pâte au chocolat est constituée de matières grasses et de sucre. Mais à vrai dire, on s’en doutait un peu.
 
Chaque Français en avale 2 kg par an
 
Plus pervers en revanche, la comparaison avec le beurre que Ferrero met en avant en affirmant que le Nutella présente « en termes de matières grasses un profil nutritionnel proche de celui du beurre ». On notera cependant que les accros au beurre sont nettement plus rares que les inconditionnels du Nutella, à pouvoir, en quelques coups de cuiller, venir à bout d’un pot entier.
 
On aurait tort cependant de se focaliser sur le seul Nutella alors que dans les rayons des supermarchés 13% des aliments en contiennent (50% des produits chocolatés et 90% des pâtes à tartiner). En France, ce sont 126 000 tonnes d'huile de palme à usage alimentaire qui sont consommées, soit 2 kg par habitant et par an. Pourquoi cet oléagineux a-t-il les faveurs de l’industrie agroalimentaire ? Parce qu’il apporte une onctuosité et une stabilité à la préparation, explique Ferrero. Et puis, autre argument passé sous silence par l’industrie, il est bon marché. En fait, on en trouve surtout dans les plats préparés ou surgelés, dans les biscuits, les gâteaux, les glaces… Mais la plupart du temps la présence de l’huile de palme n’est pas indiquée, les emballages se contentant de mentionner « huile végétale ». Une situation qui devrait changer pour l’Union européenne en 2013.        
 
Cette matière grasse est d’abord mise en cause pour ses effets délétères sur la santé, comme le souligne le sénateur Daudigny. L’huile de palme contient une forte proportion d’acides gras saturés, trois fois plus que l’huile de tournesol. Ces molécules consommées en excès favorisent l'obésité, le mauvais cholestérol (LDL) et augmentent les risques cardiovasculaires en bouchant les artères. Leur présence est difficile à identifier et l’expérience d’un jeune Strasbourgeois, « vivre sans huile de palme », montre à quel point on doit ruser pour repérer les produits qui en contiennent. La mention « sans huile de palme » apparue récemment en France chez certaines enseignes comme Casino, puis Système U ou encore Findus, devient un argument commercial. 
 
En ce qui concerne l’environnement, le bilan de l’huile de palme n’est guère meilleur. Qu’elles soient bio, certifiées ou pas, les plantations des palmiers à huile participent à une déforestation massive en Malaisie et, dans une moindre mesure, en Indonésie, les deux principaux producteur mondiaux. Ces cultures ont fait reculer les terres agricoles et les forêts primaires, privant ainsi les populations locales de leurs ressources.